The series of interviews with writers is the unprecedented part of this exhibition. Painted compositions and portraits further articulated by the conversations Mia Funk had with the writers. Their words interact with the scenes and atmosphere of their novels which have inspired the portraits. She writes and publishes texts, which implies a deep engagement with this "literary space" dear to Georges Blanchot. We understand why Mia Funk chose to call this new theme "The Creative Process." The symbiosis between reading and encounter, not as a journalistic one, that of an interview that would be just illustrated with images, but with the aim of a painter, that of allowing us to see the writing and the writer together.
It is for the profound originality of this approach that the Panthéon-Sorbonne University is pleased to showcase the inaugural exhibition. For once the collection of interviews and portraits of writers has been completed, a second exhibition will bring them together, before circulating in several major foreign universities, in Europe and in the United States. Our institution in the Latin Quarter has made a judicious choice: to present this award-winning artist who has been several times awarded by prestigious art salons, to whom several works have already been dedicated, well represented by galleries in the capital and regularly residing in France, whose museum collections and landscapes inspire many of her paintings.
Translated from French
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En apparence duale, c’est-à-dire parfois directe, parfois sensible et évanescente, la peinture de Mia Funk est en réalité modelée par le visible et la littérature. Elle est aussi interactive, en ce sens qu’elle nous tend ses images intérieures pour mieux nous faire participer.
L’acidité de l’autre
Mia Funk s’est rendue célèbre par des compositions savantes, presque cinématographiques, qui mettent en scène des personnalités dans des environnements clos. Sa série des Publics (Audiences) déroule des galeries imaginaires de célébrités transformées en spectateurs pris sur le vif, quelque peu troublés.
Réconciliés depuis les années soixante grâce à des mouvements comme la Figuration narrative en France, peinture et cinéma s’interpellent ici mutuellement. Il n’en a pas toujours été ainsi, lorsque les peintres, formés au travail d’après nature, accusaient le cinéma d’acculturation et de lui voler la figuration du réel. Mais pour les jeunes générations, motivées par la main et sevrées à l’audiovisuel, il n’est plus d’incompatibilités, juste un dialogue et des moyens différents dont il faut tirer parti. « J’ai toujours été fascinée par le film, explique Mia Funk, par le moment à la fin ou au début d'une scène, quand vous voyez les traces de la scène d’avant. Transitions. Vous voyez ça même dans les premiers films muets, lorsque la scène précédente laisse une brûlure sur la suivante. Cela remonte à un intérêt pour la mémoire et le processus de création lui-même. Au moment où vous essayez de vous rappeler quelque chose, d’épingler la chose, elle commence à disparaître. »
Servie par une technique impeccable, fruit d’un métier savant acquis pour partie à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, elle use d’un réalisme narratif, où n’est rien n’est plus difficile, outre l’habileté, que d’affirmer sa différence, sa « facture » propre. Et c’est avec un coup de pinceau pointu qu’elle n’a pas hésité à déshabiller la reine d’Angleterre, la représentant nue prenant le thé en bonne compagnie, un tableau grinçant qui lui a valu de nombreux articles dans la presse et que la galerie Olympe de Gouge a présenté récemment à Paris.
La mémoire de l’eau
Puis l’élément aquatique a progressivement envahi cette fiction noire ou acide. Dans la série des Aquariums, d’une façon encore confinée et inquiétante, puis plus largement dans celle de la Mer, (appelée aussi Mémoire de l’eau) avec une vague de sérénité inattendue, et enfin de manière poétique et symboliste dans la série des Mangeurs de lotus. Mia Funk a ainsi entrepris de révéler sa proximité avec l’élément liquide. En Irlande ou sur la Côte d’Azur, où elle réside souvent, la présence de l’eau s’est affirmée comme une muse essentielle. Le médium lui-même en est pétri puisque toutes ses compostions sont désormais élaborées au préalable à la gouache ou à l’aquarelle afin de saisir dans l’instant, sans repentir (« one try »), les images fugaces des souvenirs qui l’obsèdent.
Les personnages devenus des silhouettes le plus souvent anonymes, volontiers féminines, voire répétitives, s’abolissent elles-mêmes, fantomatiques, confondant le monde environnant avec leur propre personne. Mia Funk apprécie Magritte, dont une rétrospective donnée à New York l’avait bouleversée adolescente. Elle avait découvert non seulement la possibilité de faire disparaître les frontières entre les choses, comme lorsque le ciel se mêle aux personnages, mais également de rester dans la figuration tout en évoquant l’imaginaire et le mystère.
Dans ce « monde flottant », tel qu’elle le définit elle-même, en hommage à la peinture chinoise dont elle se sent proche par ses origines, et que dont on perçoit pleinement l’inspiration dans les Mangeurs de Lotus, la violence des rapports à autrui a cédé la place à l’apaisement relationnel. « Tout juste peut-on percevoir un personnage recouvrant l’autre », explique-t-elle, pour rappeler la difficulté de communication entre les êtres, qu’ils soient proches ou non, une problématique qui constitue l’un des fils directeurs de sa démarche picturale.
La vision comme un flotteur
Les peintres, depuis l’impressionnisme, ont interrogé la vision.
Mia Funk se souvient, qu’enfant, elle a connu une cécité temporaire. « Dans ma jeunesse, explique-t-elle, j'ai eu des problèmes avec ma vision comme de grandes taches solaires qui effaçaient ma vue. En anglais, on les appelle des « flotteurs ». C’était effrayant, mais il y avait aussi une intensité de couleur. Et tout ce que je regardais disparaissait derrière ces champs de la lumière. J’essaye de reproduire cet effet dans la peinture. A ce jour, j’ai une myopie sévère qui me permet de voir les détails, mais laisse d'énormes taches aveuglantes. J’éprouve de la difficulté à me concentrer sur des objets en mouvement et à reconnaître même les gens que je connais bien, à moins que je me rapproche très près de leurs visages. Une fois, j’ai vécu une cécité temporaire où tout est devenu blanc, et lorsque je peins je tente de reproduire cette expérience d’effacement ou de retour à la vision. »
Le regard dès lors est devenu un acteur déterminant de son art. C’est celui avec lequel elle observe et celui qui modifie la perception. Cézanne refusait de peindre la nature suivant des procédés appris mais en la voyant avec ses propres yeux, au point de déformer les choses si ces derniers le lui disaient. Mia Funk laisse aussi parler la vision avec ces tâches de lumière rémanentes qui constellent parfois les corps, ces massifs végétaux floutés comme s’ils étaient vus à toute vitesse d’un train, ces coups de pinceau synthétisant des détails qu’on ne prend pas la peine d’observer attentivement.
Le processus créatif : entre image et écriture
La série d’entretiens avec les écrivains constitue la partie inédite de cette exposition. Des compositions et des portraits peints s’articulent avec les questions que Mia Funk a choisi de poser à ses chers auteurs, et avec leurs réponses. Les dires interagissent avec les scènes et l’atmosphère des romans qui l’ont marquée. Elle-même écrit et publie des textes, ce qui l’implique dans un corps à corps avec cet « espace littéraire » cher à Georges Blanchot. On comprend alors pourquoi Mia Funk a choisi d’appeler ce nouveau thème « le processus créatif ».
La symbiose s’opère entre la lecture et la rencontre, non comme un propos journalistique, celui d’une interview qui serait juste illustréed’images, mais avec l’objectif d’un peintre, celui de donner à voir l’écrit et l’écrivain ensemble.
C’est la profonde originalité de cette démarche, que l’Université Panthéon-Sorbonne a le plaisir d’initier. Encore ne s’agit-il que d’un avant-goût, destiné à nous faire découvrir l’art de Mia Funk et à nous faire patienter. Car une fois la collection des entretiens et portraits d’écrivains achevé, une seconde exposition les rassemblera, avant de circuler dans plusieurs grandes universités étrangères, en Europe et aux Etats-Unis. Notre institution du Quartier latin a fait là un choix judicieux, celui de présenter une artiste plusieurs fois primée dans des salons de peinture prestigieux, à qui plusieurs ouvrages ont été déjà consacrés, bien représentée par des galeries de la capitale et résidant régulièrement en France, dont le collections des musées et les paysages inspirent nombre de ses peintures.
Stéphane LAURENT
Associate professor, Faculté d’Histoire de l’art & d’archéologie,
Université Panthéon-Sorbonne